Entendre La Guerre : sons, musique et silence en 14-18, avec Mme Kernane
A partir du 12 novembre, l'exposition "Entendre La Guerre : sons, musique et silence en 14-18" de l'Historial de Péronne sera visible au Lycée.
Critique du musicologue Alain Lambert :
Une iconographie bien mise en valeur et insolite, des affiches de films ou d'événements, des partitions, des images de musiciens soldats et d'instruments bricolés, des extraits de lettres ou de carnets, photos, caricatures, tableaux, tout ce qui relève de la dimension sonore de la guerre est montré. Et exploré dans de courts chapitres sur le cinéma, les musiques militaires, les chansons de l'arrière et du front, les instruments des soldats, l'arrivée du jazz en Europe, les concerts au front, à l'arrière, à Paris, les compositeurs et la guerre, les musiques funèbres. Et enfin, pour compléter ce tour d'horizon éclectique, un chapitre sur l'oreille amputée et un dernier sur les silences de la Grande Guerre.
« Surdité, vertige, acouphène, plaie et écoulement auriculaire, mais aussi otites et mastoïdite : les traumatismes de l'oreille sont d'une ampleur inédite en 1914-1918 » écrit Gaëtan Bruel dans son article où il développe toutes les conséquences dues au froid et à une guerre assourdissante et destructrice.
De la surdité au silence, il n'y a qu'un pas qu'Esteban Buch franchit en conclusion. Celui du 11 novembre à 11h du matin qui se lit sur l'image d'un sonagramme installé en Moselle, sur le front américain, une minute avant et une minute après, comme un électrocardiogramme qui devient tout plat. Alors que le bruit était « la norme du quotidien », le silence retrouvé angoissait le poilu en permission. Le silence face à l'ennemi espion, se taire ! (mais ne faudrait-il pas aussi évoquer le silence comme non-dit et désinformation ?). Le silence du deuil enfin que transcrit peut être cette pièce Dada de Erwin Schulhoff pour piano, In Futurum, dédiée à George Grosz, « une partition faîte uniquement de soupirs ».
Un point curieux tout de même, dans le chapitre consacré aux chansons du front par Martin Pénet, pourquoi vouloir diminuer l'importance, sous le titre « Une légende ambiguë », de la Chanson de Craonne, qui fut visiblement aussi avant 1917 celle de Lorette en 1915 et de Verdun en 1916, et qui, s'il y en eut peu d'autres, n'en a pas moins marqué l'existence des soldats les plus rebelles, même s'ils n'étaient pas représentatifs de l'ensemble des poilus.
En effet, si le journal Rigolboche est un des plus gros tirages parmi les journaux de tranchées, et si son parolier attitré Jean Mady est plutôt caustique, du côté du « patriotisme de consentement », c'est dans le même journal que l'on trouve le 25 juin 1917 cette réflexion : Je comprends qu'on ne laisse pas récriminer les civils. Mais nous, nous en avons le droit : on se fait tuer. Il ferait beau voir qu'on nous prive de ce droit : les moutons bêlent bien à la porte de l'abattoir. Empêchez les donc de bêler à ce moment là, vous qui êtes si malins !
Critique du musicologue Alain Lambert :
Une iconographie bien mise en valeur et insolite, des affiches de films ou d'événements, des partitions, des images de musiciens soldats et d'instruments bricolés, des extraits de lettres ou de carnets, photos, caricatures, tableaux, tout ce qui relève de la dimension sonore de la guerre est montré. Et exploré dans de courts chapitres sur le cinéma, les musiques militaires, les chansons de l'arrière et du front, les instruments des soldats, l'arrivée du jazz en Europe, les concerts au front, à l'arrière, à Paris, les compositeurs et la guerre, les musiques funèbres. Et enfin, pour compléter ce tour d'horizon éclectique, un chapitre sur l'oreille amputée et un dernier sur les silences de la Grande Guerre.
« Surdité, vertige, acouphène, plaie et écoulement auriculaire, mais aussi otites et mastoïdite : les traumatismes de l'oreille sont d'une ampleur inédite en 1914-1918 » écrit Gaëtan Bruel dans son article où il développe toutes les conséquences dues au froid et à une guerre assourdissante et destructrice.
De la surdité au silence, il n'y a qu'un pas qu'Esteban Buch franchit en conclusion. Celui du 11 novembre à 11h du matin qui se lit sur l'image d'un sonagramme installé en Moselle, sur le front américain, une minute avant et une minute après, comme un électrocardiogramme qui devient tout plat. Alors que le bruit était « la norme du quotidien », le silence retrouvé angoissait le poilu en permission. Le silence face à l'ennemi espion, se taire ! (mais ne faudrait-il pas aussi évoquer le silence comme non-dit et désinformation ?). Le silence du deuil enfin que transcrit peut être cette pièce Dada de Erwin Schulhoff pour piano, In Futurum, dédiée à George Grosz, « une partition faîte uniquement de soupirs ».
Un point curieux tout de même, dans le chapitre consacré aux chansons du front par Martin Pénet, pourquoi vouloir diminuer l'importance, sous le titre « Une légende ambiguë », de la Chanson de Craonne, qui fut visiblement aussi avant 1917 celle de Lorette en 1915 et de Verdun en 1916, et qui, s'il y en eut peu d'autres, n'en a pas moins marqué l'existence des soldats les plus rebelles, même s'ils n'étaient pas représentatifs de l'ensemble des poilus.
En effet, si le journal Rigolboche est un des plus gros tirages parmi les journaux de tranchées, et si son parolier attitré Jean Mady est plutôt caustique, du côté du « patriotisme de consentement », c'est dans le même journal que l'on trouve le 25 juin 1917 cette réflexion : Je comprends qu'on ne laisse pas récriminer les civils. Mais nous, nous en avons le droit : on se fait tuer. Il ferait beau voir qu'on nous prive de ce droit : les moutons bêlent bien à la porte de l'abattoir. Empêchez les donc de bêler à ce moment là, vous qui êtes si malins !